Etats généraux de la communication, Tchad

Lors d’une journée d’information et d’échanges sur la HAMA organisée le 26 octobre 2020, le président de ladite institution, Dieudonné Djonabaye, a déclaré que l’ordonnance 025/2018 qui l’autorise à fermer de nombreux journaux privés a prévu que, désormais au Tchad, « tout organe ou périodique doit avoir un Directeur de publication et un Rédacteur en Chef, tous deux formés en journalisme, avec un bac+3 au moins». Pour convaincre les membres du gouvernement, les personnalités politiques, les représentants des institutions nationales et internationales et/ou partenaires au développement du Tchad, il a lâché que l’ordonnance n°025/PR/18, portant régime de la presse et des media électroniques au Tchad et son article 17 correspondent aux recommandations des Etats généraux de la communication au Tchad (du 11 au14 mai 2009 à N’Djaména). Et que, ce sont les journalistes, eux-mêmes, qui ont décidé ainsi. Et pourtant, rien de tout cela ! Lisez :
RECOMMANDATIONS ET RESOLUTIONS

Les participants des Etats généraux de la communication au Tchad, réunis à N’Djaména du 11 au 14 mai 2009, recommandent :

A l’ENDROIT DU GOUVERNEMENT ET DU LEGISLATEUR

1) L’abrogation de l’ordonnance 05 ;
. Une commission tripartite (gouvernement, Assemblée nationale, représentants des médias) pourrait revoir le texte et en soumettre un nouveau à l’Assemblée, inspiré de la loi 29.
2) Lé dépénalisation des délits de presse ;
.Un plaidoyer et une campagne de sensibilisation doivent être organisés pour supprimer, dans le nouveau texte, les peines de prison pour les délits de presse autres que l’incitation à la haine ethnique, religieuse ou raciale, à la violence et au meurtre (qui sont des antithèses des valeurs universelles).
. Les professionnels réaffirment l’importance de la contribution des médias au processus démocratique et souhaitent ne pas voir de journaliste emprisonné dans l’exercice de son métier.
3) La modification de la loi 19/PR/2003 portant composition des membres du HCC. Maintenir la composition du HCC à 9 (neuf) membres désignés de la manière suivante :
.deux (2) membres dont un journaliste professionnel désigné par le Président de la République ;
. Un (1) membre désigné par le Président de l’Assemblée nationale ;
. Un (1) magistrat désigné par ses pairs ;
. Un (1) représentant du monde de la culture désigné par ses pairs ;
. Quatre (4) professionnels des médias élus au sein de leurs corporations.
Les membres du HCC devront justifier d’au moins 10 ans d’expérience.
4) Le renforcement des moyens financiers, matériels et humains du HCC pour qu’il remplisse sa mission de régulation ;
5) L’augmentation substantielle de l’aide à la presse ;
6) Le respect par le HCC des dispositions de l’article 4 de la loi 19/PR/2003 en ce qui concerne la nomination des directeurs des organes d’information publique et le contrôle des contenus des programmes desdits organes ainsi que de leur prestation en général ;
7) La création d’une chambre spécialisée pour juger les délits de presse ;
8) la ratification par l’Etat tchadien de l’accord de Florence de 1950 et ses annexes de Nairobi de 1976 ;
. Séminaires et actions de lobby doivent être organisés auprès des décideurs pour cette signature.
9) La défiscalisation des entreprises de presse et la suppression de la TVA pour les produits et les achats des médiats écrits et audiovisuels (par une campagne de sensibilisation des associations auprès du gouvernement et du parlement) ;
10) L’écriture de dispositions légales relatives au droit à l’image et au respect de la vie privée dans le nouveau texte de loi sur les médias afin de combler le vide juridique ;
. Un groupe de travail composé par des juristes et des professionnels des médias fera des propositions concrètes à ce sujet.
11) L’écriture d’une disposition relative au droit des médias tchadiens à recueillir l’information officielle dans les institutions de la République ;
. L’accès aux sources d’informations doit être garanti pour tout journaliste détenteur d’une carte de presse.
12) La révision du statut du journaliste ;
.La formulation suivante devra être introduite dans la loi en élaboration :
« Est journaliste professionnel, toute personne qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée dans une entreprise de presse.
. La qualité de journaliste professionnel est attestée par la carte de presse délivrée :
– Aux détenteurs d’un diplôme d’une école de journalisme ;
– Aux détenteurs de diplômes de l’enseignement supérieur ayant au moins deux (2) ans d’expérience dans les organes de presse.
13) La cession d’un terrain ou l’attribution d’un local par l’Etat pour abriter la Maison de la presse qui devra être un espace de travail, de rencontre et de confraternité entre les journalistes de tous les médias. Il devra par ailleurs héberger les associations professionnelles et servir de centre de formation ;
– Un plaidoyer doit être effectué auprès du gouvernement pour cette acquisition.
– Il est demandé aux partenaires du développement leur appui pour doter cette Maison de la presse de matériels et d’équipements techniques.
14) L’adaptation des programmes de formations initiales au journalisme aux réalités locales ; l’encouragement des structures de formation existantes à plus de professionnalisation et de crédibilité ;la création d’une véritable école supérieure de journalisme au sein de l’université de N’Djaména ; mener une étude pour identifier les besoins en formation ;
15) La nécessité de combler le fossé numérique en matière de NTIC ;
16) La participation des médias privés aux voyages de presse présidentiels et gouvernementaux ;
17) Solliciter des médias nationaux pour la promotion de l’image de marque du gouvernement tchadien ;
18) La promotion de la culture de la lecture des journaux ;
. Demander aux services publics et privés de procéder à des politiques incitatives d’abonnement (centres de jeunes, bibliothèques, etc.).
19) La promotion de la culture de la publicité dans les entreprises du Tchad ;
. Encourager les entreprises à prévoir un volet communication dans leur budget annuel.

A L’ENDROIT DU HAUT CONSEIL DE LA COMMUNICATION (HCC)

1) Le respect par les membres du HCC de leur neutralité en conformité avec le texte de loi qui régit l’institution ;
2) L’achat d’équipements techniques pour le monitoring des médias audiovisuels et écrits ;
3) L’emploi d’un personnel administratif compétent sur les méthodes de rédaction et les procédures d’application des décisions ;
4) La redéfinition des critères de répartition de l’aide à la presse ;
. Il est demandé au HCC de mieux répartir cette aide entre presse écrite et médias audiovisuels, de revoir ses critères d’éligibilité et d’assurer la transparence de l’octroi des subventions ;
. L’utilisation de l’aide à la presse doit aussi privilégier le financement de projets communs à la profession et de projets d’entreprise afin de former les journalistes, de leur offrir des conditions décentes de travail et d’assainir le cadre de la profession.
5) La mise en place d’un mécanisme de suivi de l’aide octroyée ;
6) concernant les radios :
. la réduction du taux de la redevance annuelle imposée aux radios privées ;
La représentation des radios privées dans la commission nationale de la carte d’identité du journaliste professionnel ;
. l’extension de l’aide à la presse aux médias audiovisuels et en ligne ;
. la création d’un fonds d’appui spécifique à la production radiophonique avec la clause de répartition suivante : 65% à la radio, 20% pour l’achat de matériel, 15% pour la formation des journalistes.
. un plaidoyer auprès du gouvernement et du parlement peut être organisé pour encourager la création d’un fonds d’aide aux radios communautaires ;
. L’abrogation de la limitation des puissances de l’émetteur des radios ;
. L’augmentation de 60% du taux de publicité autorisé ;
. l’augmentation du temps de publicité autorisé par heure à 05 minutes.
7) L’entretien régulier des contacts avec les rédactions (visites et concertations, organisation de séminaires et de table-rondes).
A L’ENDROIT DE L’OBSERVATOIRE DE LA DEONTOLOGIE ET DE L’ETHIQUE DES MEDIAS DU TCHAD (ODEMET)
1) La consolidation de son rôle et de son autorité sur les professionnels des médias tchadiens, en mettant l’accent sur la sensibilisation ;
2) Le renforcement de la collaboration de l’ODEMET avec le HCC, notamment pour le règlement de conflits liés à des fautes d’éthique et/ou déontologiques des professionnels des médias ;
. La signature d’une convention de co-régulation doit être envisagée entre les deux instances, pour déterminer les règles de leur complémentarité d’action en matière de responsabilité et de médiation.
3) La nécessité de voir l’ODEMET se muer en organisation autonome ;
. Action possible : la participation pécuniaire des entreprises de presse au financement de l’Observatoire. Le partage d’expérience et l’appui des partenaires du développement sont également demandés.
4) Le renouvèlement de ses responsables ;
. La désignation des membres de l’ODEMET doit tenir compte des critères de représentation et de compétence de manière à faire de l’organe une structure irréprochable.
5) La signature d’une convention avec le pouvoir judiciaire pour ne pas voir les décisions de l’ODEMET utilisés comme preuve par les tribunaux contre les médias.

A L’ENDROIT DES PROFESSIONNELS DES MEDIAS ET DES ASSOCIATIONS SOCIO-PROFESSIONNELLES

1) La mise en place d’une messagerie pour la presse écrite ;
. Les participants recommandent aux directeurs de médias écrits de s’unir pour lancer un service de messagerie commun. Les partenaires au développement sont également appelés à aider la création de ce mécanisme de distribution des journaux et de recouvrement des recettes.
2) La signature et l’application de la convention collective ;
3) La redynamisation de la Coalition pour la liberté de presse et l’élaboration d’un programme d’activité pour la coalition ;
4) Le renforcement de la capacité des acteurs des médias à mieux élaborer des projets ;
. Il s’agirait de former les associations et professionnels des médias à l’écriture de projet ; de constituer une interface des patrons des médias privés ; d’organiser un forum des partenaires du développement s’occupant des médias.
5) La promotion de la logique d’entreprise dans les médias ;
. Il s’agit de former les responsables de presse au management d’une entreprise, d’ouvrir les capitaux des médias privés à des actionnaires, de former les publicitaires et les commerciaux aux techniques de marketing.
6) L’engagement des professionnels des médias à respecter les commentaires de l’ODEMET ;
. Les professionnels des médias doivent reconnaître et respecter l’autorité morale de l’ODEMET.
7) La nécessité pour les entreprises de se doter d’un personnel qualifié et d’établir un plan de formation continue.

A L’ENDROIT DE L’OFFICIE NATIONAL DE RADIO-TELEVISION

1) Le basculement vers une prestation de véritable média de service public, prenant en compte l’ensemble des préoccupations des couches sociales, équilibrant ses temps d’antenne entre les différents acteurs politiques, sociaux et économiques du pays, améliorant et diversifiant l’information mais aussi l’ensemble de sa programmation ;
. une enquête d’audience peut être réalisée.

A L’ENDROIT DES PARTENAIRES DU DEVELOPPEMENT

1) Appuyer les professionnels des médias dans les différents plaidoyers et campagnes de sensibilisation liés aux enjeux cruciaux du secteur (dépénalisation des délits de presse, ratification de la convention de Florence, Maison de la presse, renforcement des instances de régulation et d’autorégulation) ;
2) La poursuite des différents appuis à la professionnalisation du secteur (appui technique, formation continue, transfert d’expérience, etc.) ;
3) L’amélioration du suivi et de l’évaluation des journalistes formés ;
4) La facilitation des échanges avec les institutions de formation internationales.

SUIVI ET MISE EN ŒUVRE DES RECOMMANDATIONS ET RESOLUTIONS

A l’issue des Etats généraux, un Comité de suivi et de mise en œuvre de neuf (5) membres est mis en place pour suivre l’application effective des recommandations et résolutions.
Fait à N’Djaména, le 14 mai 2009
Les participants
Extrait de LES ETATES GENERAUX DE LA COMMUNICATION DU TCHAD : Les actes et les communications, N’Djaména, du 11 au 14 mai 2009, Projet « Renforcement du secteur des médias dans le processus démocratique au Tchad », Imprimerie du Tchad, pp.23-31.